« Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, mais tel que nous sommes. »
Cet avertissement d’Emmanuel Kant nous rappelle, peut-être plus encore aujourd’hui, que chacun a tendance à observer son environnement et les personnes à l’aune de sa culture et de ses savoir-faire.
Les dangers sont connus : développer une pensée unique, s’enfermer dans ses certitudes, prendre des décisions déconnectées du réel, passer à côté d’opportunités…
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Comment combattre les décisions formatées pour éviter de nous tromper ?
Dans ce 2ᵉ article de la série “Remettre l’écoute au cœur de nos décisions”, nous allons voir comment mieux comprendre nos croyances.
Je vais vous montrer à partir d’exemples concrets quelles postures personnelles adopter pour éviter les décisions préconçues.
Or plus les stéréotypes sont forts, plus nous nous y enfermons.
Songez à cette fille qui fera des études littéraires, car être ingénieur conviendrait mieux aux garçons. À ce fils qui reprendra l’entreprise familiale, car il en est ainsi de génération en génération. À cette personne d’origine indienne qui devrait être douée en informatique. A ce conférencier en fauteuil qui devrait forcément parler, voire être expert, de son handicap.
Quand j’ai réalisé l’ascension du Mont Ventoux en tandem avec mon associé, de nombreuses personnes ont vu notre aventure sous l’angle de la complicité entre une personne valide et une personne aveugle.
Mais quid d’une lecture moins compassionnelle, voire sensationnelle, de cet événement ? Envisagez notre aventure sous l’angle d’une collaboration entre un passionné expert du vélo qui n’a jamais osé se lancer seul pour réaliser son rêve, et un novice qui voit dans cette histoire une opportunité à laquelle il n’aurait jamais songé, car totalement déconnecté de l’univers cycliste…
Votre lecture ainsi revue vous ouvrira à bien plus de thématiques sans vous focaliser sur la cécité.
+ les stéréotypes sont forts, + nous nous y enfermons
Les cases sont celles dans lesquelles la société nous enferme, mais également celles dans lesquelles nous nous laissons enfermer par facilité.
Que ce soit pour atteindre une certaine position et reconnaissance, ou parce que cela nous semble moins risqué, nous avons tendance à nous conformer aux codes en vigueur, à aller vers ce que les autres attendent de nous.
Il nous paraît souvent plus aisé de suivre le mouvement que de faire un pas de côté.
Par exemple : lever ses blocages et lâcher prise grâce aux autres, s’adapter plutôt que de chercher à tout maîtriser ou planifier, saisir que la performance ne vient pas du fait de rassembler les meilleurs…
Autant de thèmes qui me motivent et m’intéressent bien plus que le handicap lors de mes conférences sur le travail en équipe.
Sortir de nos croyances et de nos représentations, c’est en fait se donner la possibilité de changer notre lecture des événements et éviter les décisions préconçues.
C’est accepter de quitter sa zone de confort et ses habitudes, et échapper aux idées toutes faites sur les gens et les situations. C’est en quelque sorte devenir “déraisonnable”.
Pour y arriver, nous devons nous donner le temps et faire l’effort d’observer, de nous questionner et d’analyser les événements différemment.
Citons l’exemple de Philippe Pozzo di Borgo qui a recruté un jeune de banlieue (Abdel Sellou) sorti de prison. Nous connaissons tous le film « Intouchables » avec François Cluset et Omar Sy. Tandis que Philipe Pozzo di Borgo / François Cluzet voit dans Abdel Sellou / Omar Sy l’opportunité de changer son quotidien, de revivre… son entourage y voit avant tout une menace, une relation impossible. Philippe Pozzo di Borgo décide pourtant de recruter Abdel Sellou.
Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix en 2006, prétendait quant à lui : « Je crois à un monde sans pauvreté. » Conscient que son rêve était utopique, il s’est attaqué à un problème très concret : l’accès au crédit des pauvres de son pays. Jusqu’à récemment un tiers de l’économie du Bangladesh était financée grâce à ce qu’il a inventé dans les années 70 : le micro-crédit.
“Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.” (Mark Twain)
Comment chacun de nous peut-il tenir compte de ses croyances et de ses idées toutes faites ?
Comment couper le cordon et prendre nos responsabilités ?
Comprendre nos croyances : origines, idées associées et comportements induits
Quand nous parlons de croyances, il faut d’abord comprendre d’où elles proviennent :
- Il y a les croyances issues de nos propres expériences.Prenons le cas de deux enfants qui se baignent dans la mer et soudainement la mer devient agitée. L’un va en conclure « La mer, c’est dangereux » et l’autre au contraire « La mer, c’est top et rigolo. On peut s’amuser dans les vagues. » Soit une même situation qui débouche sur deux croyances différentes.
- Il y a également les croyances inculquées par la société, par notre famille, via le « bain de langage » dans lequel nous avons évolué et dans lequel nous évoluons :
Que ce soient des croyances générales : « les filles sont littéraires les garçons matheux », « les chômeurs sont des fainéants », « Les patrons des salops »…
Ou des croyances spécifiques : « Tu ne pourras jamais être médecin », « Tu reprendras l’entreprise familiale », « Tu seras avocat »…
Ou des croyances issues d’éléments de langage que nous avons interprétés : « Tu n’aurais jamais dû venir au monde » signifie-t-il « Ta naissance était regrettable. » ou au contraire « Ta naissance a été miraculeuse. » ?
Comprendre que notre naissance a été regrettable conditionnera de manière négative l’estime de nous-mêmes et de nos proches.
Avec les mêmes mots ou une même situation, nous en venons parfois à tisser une histoire différente et à leur donner un sens opposé.
Surtout, il est important de saisir qu’à toutes ces croyances, nous associons des émotions et des capacités.
Par exemple, la peur de nager et une moindre aptitude à apprendre à nager pour l’enfant qui pense que la mer est dangereuse. « Les maths ce n’est pas pour moi » pourrait penser une fille à qui on a répété que les filles sont littéraires.
Or des comportements vont découler de ces émotions et capacités associées. Celui qui a peur de l’eau ira en vacances à la montagne plutôt qu’à la mer, une étudiante éloignée des maths choisira une filière non scientifique…
En entreprise, songez au recrutement d’une personne au profil dit atypique tel un autodidacte qui aurait candidaté à un poste traditionnellement réservé aux diplômés. Si l’expérience est mauvaise, nous aurons tendance à considérer que « ces personnes sont incompétentes » et à « ne plus vouloir recruter ce type de profil. »
Faire le tri parmi nos croyances et revoir le film de l’histoire
Afin de réévaluer nos croyances et les conditionnements qui en découlent, il convient donc de réussir à faire le tri et d’en revoir le film.
Pour faire le tri, je recommande l’exercice que j’appelle « tirer un trait ». Il peut être fait par écrit au besoin.
Tracez un trait horizontal.
Mettez-y en dessous les croyances dont vous voulez vous débarrasser.
Au-dessus, les croyances positives que vous voulez conserver.
Pour revoir le film de vos croyances, mettez-vous dans l’état d’esprit qu’il est possible de CHANGER. Projetez-vous dans la situation que vous voudriez vivre ou connaître. Faites « comme si ».
Surtout, travaillez sur le « comment » vous vous racontez l’histoire. Peu importe le contenu de votre histoire, ce sont les émotions associées et la façon dont nous nous racontons les choses qui comptent. La musique ou la voix que nous associons à l’histoire peut nous aider.
L’objectif est d’arriver à éviter de penser « ça recommence » ou « c’est du déjà-vu / déjà connu ». Nous devons saisir que chaque contexte et chaque situation peuvent être différents.
Prenons deux exemples sportifs qui nous aideront à appliquer ces principes dans notre sphère privée et professionnelle.
Je pense à ce golfeur qui se disait « nul en putt » et qui perdait tous ses moyens sur le green.
Théo Duverger (conférencier, hypnothérapeute) lui a demandé de s’interroger sur la voix qu’il entendait quand il se disait « je suis nul en put. ».
Il entendait en fait son père le critiquer.
Le thérapeute lui a alors proposé de remplacer cette voix par une version drôle.
Son putting s’est immédiatement transformé et rapidement amélioré.
La “voix du père” avait perdu toute crédibilité dans une version drolatique.
Le tour était joué !
Dans le même genre d’idée, Théo Duverger citait le film « Les dents de la mer ».
Remplacez la musique du film par celle de « La croisière s’amuse ». Le film perd alors tout son pouvoir angoissant et sa crédibilité, il ne fait plus peur.
Citons maintenant le cas du PSG ou « Panique Saint-Germain » comme le titrait le journal L’Equipe en mars 2019 après l’élimination du club par Manchester United : « Barcelone, c’est un peu le 11 septembre du PSG, et ça peut faire basculer les joueurs dans une croyance type : ça y est, ça recommence », expliquait Éric Blondeau, spécialiste de la mécanique de la prise de décision. « Ça se met en place de façon très violente et efficace si on n’est pas préparés à se dire : « non, on se raconte une histoire ». Parce que non, ce n’est jamais la même histoire et, quel que soit le scénario, dans la tête des joueurs, un scénario conscient doit se mettre en place. Dès que le joueur est surpris, la peur s’installe, et elle puise dans le passé. On quitte le match, le rationnel. Et l’équipe adverse va appuyer dessus. Il y a une prise de pouvoir psychologique. »
Face à Manchester, « Le PSG n’alignait pourtant, au coup d’envoi, que quatre titulaires du cauchemar catalan (Marquinhos, Thiago Silva, Verratti et Draxler). « Mais si on ajoute Chelsea en 2014, c’est la troisième fois que ça arrive, le phénomène devient récurrent, il est en train de s’inscrire dans l’histoire du club. »
« Le club veut grandir très vite… Autour de lui, la volonté d’avancer vite, trop vite, peut s’avérer contre-productive. »
« A l’échelle de l’histoire du PSG, la défaite de mercredi n’est, en soi, ni dramatique ni catastrophique… Mais « La réussite, ce sont des étapes. Si on veut aller trop vite, on se retrouve en difficulté. Psychologiquement, quand on est impatients, on n’y arrive pas.»
Et vous, comment vos croyances influencent-elles vos décisions ?
Dans l’article 1 “Prendre conscience du pouvoir de nos décisions”, je vous invitais à vous interroger sur l’impact d’une décision que vous aviez prise ou pas.
Désormais, après ce deuxième article, demandez-vous quelles croyances sont intervenues dans ces décisions ou absences de décision (préjugés issus d’expériences personnelles ou professionnelles, héritage culturel, familial…). ?
Et distinguez celles que vous avez prises en compte de celles que vous avez écartées.
À bientôt pour l’article 3 de la série « Remettre l’écoute au cœur de nos décisions ».
Un article très intéressant, simple et de bon sens. Cela nous incite à essayer de prendre conscience de nos croyances et à en tirer des enseignements pour nos analyses futures.
À méditer…
Merci pour ce retour. Cet article s’inscrit effectivement dans une série baptisée « Remettre l’écoute au coeur de nos décisions » et lensemble des articles doit nous permettre de mieux comprendre nos décisions, de les décortiquer. A bientôt pour la suite.