En France, nous reprochons souvent aux entreprises d’accorder beaucoup d’importance aux diplômes et aux savoirs théoriques, trop peu au vécu, au savoir-faire et au savoir-être.
Nous privilégions l’accumulation de connaissances et peu la culture : culture de l’entreprise, culture du terrain, culture du travail en équipe…
Un mal qui trouve son origine dès le plus jeune âge et le conditionnement auquel nous sommes soumis à l’école.
Une formation qui encourage le « y a qu’à, faut qu’on ».
Un problème pour le travail en équipe et l’expression des talents individuels.
Comment y remédier ?
Apprentissage théorique DES LE PLUS JEUNE AGE
Quoi de plus abstrait et théorique que les définitions suivantes à apprendre par cœur :
- Equateur : Ligne imaginaire située à égale distance des pôles.
- Latitude : position nord ou sud sur le globe.
- Longitude : position est ou ouest sur le globe.
- Méridien : demi-cercle imaginaire reliant les deux pôles.
- Parallèle : cercle imaginaire parallèle à l’Equateur
Ce sont les définitions que ma fille tout juste rentrée en CM1 a dû apprendre… sans même manipuler un globe ou une carte… et donc sans saisir réellement de quoi il s’agit.
Avec de telles définitions et une absence totale de mise en situation, comment m’étonner qu’à 42 ans j’hésitais encore récemment sur la distinction entre latitude et longitude… Pas vous ? 😊
Pourtant, il serait aisé d’ancrer cet apprentissage dans la réalité avec des exercices du type :
- Voyons à quelle latitude et longitude se trouvent les villes suivantes : Reims, Marseille, Paris…
- Cherchons quelle parallèle sépare la Corée du nord de la Corée du sud.
A l’heure où le numérique nous interroge sur l’usage de l’écran chez les enfants et bouleverse nos pratiques en entreprise, nous pourrions également songer à voir dans cet apprentissage l’opportunité d’une utilisation intelligente des outils numériques (services de cartographie, GPS de navigation…) en complément de la manipulation d’un globe.
« Le globe terrestre que possède l’école est dans une « pièce à part » nous a répondu la maîtresse quand nous l’avons interrogé sur cette absence de cas pratique. Laissons ici de côté la motivation de l’enseignant qui varie d’un individu à l’autre.
Ce qui m’interpelle avant tout, c’est le diktat du savoir théorique et de ses conséquences.
L’action humble plutôt que les savoirs
« Durant nos études on nous gave de théorie. On nous demande des mémoires, des rapports de stage, des thèses ; on écrit beaucoup mais on se soucie peu de l’application pratique des théories que l’étudiant développe ». Souvent cela se termine en copier-coller laborieux que les étudiants, afin d’achever le pensum, dégotent sur le net. La Faculté s’est trop longtemps pincé le nez quand on lui parlait d’entreprise.
Je repense ici à notre dernier directeur général. Je lui avais demandé s’il avait reçu l’e-mail d’une personne travaillant dans la filiale française d’un groupe américain avec laquelle nous devions collaborer.
Il m’avait répondu d’un air supérieur et moqueur : « Ah tu me parles du mail du type qui fait plein de fautes d’anglais. »
« Et alors ? Aurai-je dû lui répondre, qu’est-ce que l’on en a à faire qu’il fasse des fautes d’anglais ? L’essentiel n’est-il pas d’avancer et de collaborer ensemble ? »
Rien de surprenant dès lors que les Français soient perçus à l’étranger comme prétentieux voire puants, même si le French Touch, le French flair, le French kiss ou le French cancan nous permettent encore d’avoir un peu la côte.
Durant mon séjour aux Etats-Unis, mes interlocuteurs ne m’ont jamais tenu rigueur de mon niveau somme toute moyen en anglais. Ils ont toujours privilégié le fait que je parle avec l’envie et le sourire, que je souhaite progresser et mener à bien mes initiatives. »
L’extrait ci-dessus est issu de mon livre « Entreprendre avec sa différence » publié en 2006.
Près de quinze ans plus tard, nous pouvons malheureusement nous demander s’il n’est pas encore d’actualité…
En tout cas, si cette tendance à favoriser la connaissance voire l’hyper connaissance induit des comportements dédaigneux, elle conduit souvent à privilégier la théorie sur l’action. A affaiblir le pragmatisme. A relayer au second plan les solutions concrètes.
A mon prof de marketing aux Etats-Unis qui me demandait si mes parents producteurs de champagne étaient en mesure de lui expédier quelques cartons, j’avais commencé par lui expliquer : « En Champagne, il y a trois types de producteurs : négociant, coopérative, récoltant manipulant »… avant qu’il ne m’interrompe d’un « Yes or no? » amusé et du fameux « So what? » anglo-saxon.
A l’époque, je n’étais pas encore totalement désintoxiqué de ma formation à Sciences-Po durant laquelle nous avions été poussés à disserter et nous exprimer selon des plans en deux parties : « oui mais non » ou « non mais oui ». Avec un tel formatage, nous étions conditionnés pour ne pas décider et rester bien souvent trop conceptuel.
Un formatage duquel je finirai de m’éloigner avec mes expériences entrepreneuriales.
EN FINIR AVEC LE « Y A QU’A, FAUT QU’ON »
Alors que faire face aux comportements du type « Y a qu’à, faut qu’on » ?
De façon générale, quel que soit notre interlocuteur : demandez d’expliciter plutôt que de subir.
Concrètement et en fonction des situations :
- Enchaînez les questions pour titiller votre interlocuteur et obtenir les précisions nécessaires.
Si vous craignez de le contrarier et de vous mettre dans une situation délicate (vis-à-vis d’un supérieur hiérarchique, d’un client…), mieux vaut adopter un ton conciliant, pour le renvoyer à ses responsabilités.
» Oui, c’est une bonne idée. Mais comment voyez-vous les choses ? On est déjà surbooké, ce sera difficile. Comment s’organise-t-on ? Quels sont les moyens auxquels vous avez surement déjà pensé ? »
- Prenez au mot votre interlocuteur pour le confronter.
« Ho mais c’est une bonne idée. Tu prépares un premier brouillon et on en reparle ensuite. »
- Recadrez la personne en restant factuel et positif.
« A quelle date peux-tu présenter une ébauche ? »
- Recourez à la dérision voire à l’humour sans attaquer de front votre interlocuteur.
« Et la reine d’Angleterre, elle en pense quoi ? »
Vous aussi, vous avez l’impression d’avoir été formaté sur un modèle « Y a qu’à, faut qu’on » et avez réussi à vous en détacher ?
Ou dans votre entourage, vous êtes confronté à ce phénomène ?
Partagez vos expériences et vos astuces en commentant cet article.
Oui je suis totalement d’accord avec ton point de vue. Je confirme avoir été formaté sur un modèle « Y a qu’à, faut qu’on » et pas certain de m’en être détaché. Y-t-il d’ailleurs une corrélation entre le « Y a qu’à, faut qu’on » et la procrastination qui semble être un mal très à la mode actuellement ?
Nous pouvons tout à fait être conceptuel (soumis au « y a qu’à, faut qu’on ») et être dans l’instantanéité, le sentiment d’urgence permanente. L’un n’empêche pas l’autre me semble-t-il. Autrement dit, le « y a qu’à, faut qu’on » n’induit pas forcément la procrastination. Le premier peut renvoyer à une formation théorique, une façon de penser et le second peut être lié à la motivation, à une difficulté passagère etc
Des ressorts différents donc.